Tourisme bas-carbone : une question de transport avant tout 
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Tourisme bas-carbone : une question de transport avant tout 

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Voyager en réduisant au maximum son empreinte carbone revient principalement à opter pour une mobilité décarbonée. D’autres postes d’émission comme l’hébergement, la restauration et l’achat de biens touristiques ne doivent cependant pas être négligés.

L’impact climatique des jets privés est récemment revenu en force dans l’actualité. L’élu écologiste Julien Bayou s’est dit favorable à leur interdiction pure et simple dans le ciel français, suscitant plusieurs réactions, dont celle du gouvernement. « Je pense qu’on doit agir et réguler les vols en jet privé. Cela devient le symbole d’un effort à deux vitesses » a répondu Clément Beaune, Ministre délégué chargé des Transports1. Au delà des débats politiques, une statistique ressort. 1% des voyageurs seraient à l’origine de 50% des émissions mondiales de l’aviation, d’après l’ONG Transport et environnement2. Identifiée comme un luxe, comme un excès, considérée comme un moyen déraisonné de voyager en avion, le jet privé et la problématique qu’il soulève continueront à coup sûr d’alimenter le débat public dans les années à venir. Pourtant, à en croire le dernier rapport du GIEC, la baisse de la mobilité aérienne ne concerne pas seulement les jets privés, mais bien la totalité du parc aérien, y compris les vols commerciaux : « Le plus grand potentiel dans les comportements à Éviter vient de la baisse des vols aériens long-courrier et la possibilité d’utiliser des infrastructures urbaines bas-carbone pour les déplacements de courte distance »3 indiquent ainsi les experts du climat dans le volet consacré à la gestion de la demande. Comment alors éviter de prendre l’avion ? Ou tout du moins réduire son utilisation dans la mesure du possible ? En se penchant sur sa façon de voyager, et donc en pratiquant un tourisme bas-carbone.

Un secteur fortement carboné

Le secteur du tourisme représente 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine anthropique4En France, ce chiffre monte à 11% des rejets GES générés sur le sol national d’après l’ADEME. Première destination vacancière au monde avec près de 90 millions de visiteurs en 2019, l’Hexagone attire chaque année de nombreux touristes venus pour une partie non-négligeable d’entre eux de l’autre bout de la planète. Dans un contexte où les comportements polluants sont de plus en plus pointés du doigt, en témoignent les internautes qui interpellent les influenceurs sur leurs nombreux voyages en avion, le tourisme bas-carbone apparaît comme une nécessité pour respecter les engagements climatiques de la France. Loin d’être réductible à la seule question de la mobilité, l’impact climatique du secteur implique tous les acteurs, et appelle à des changements radicaux dans la manière de se déplacer, de se loger, et de consommer en période de vacances.

Quels sont les postes d’émission principaux du secteur du tourisme ? (et comment réduire leur impact ?)

Le transport

Évoquer le tourisme bas-carbone suppose premièrement de désigner les postes d’émission qui font du tourisme traditionnel un secteur fortement carboné. Sans surprise, le transport arrive en tête. Selon l’Agence de la Transition Écologique, 76% du bilan carbone du tourisme en France proviendrait du transport. L’avion, qui ne représente que 12% du volume des voyageurs, est pourtant responsable de 53% des émissions pour se rendre et quitter le lieu de séjour. Ajoutée à la combustion du kérosène, le trafic aérien rejette également de la vapeur d’eau et des polluants gazeux et particulaires. Son utilisation dans un monde bas-carbone, à défaut d’être entièrement proscrite, devra donc fortement décroître. 

Cas concret

Un trajet aller-retour Paris-Nice en avion émet en moyenne 440 kg d’éqCO2 d’après le calculateur de la fondation Good Planet5. Le site de la SNCF précise que le même trajet en train relâche seulement 6.6 kg d’éq CO2. Une variation drastique en termes d’émissions, mais également en terme de temps de voyage. Augmenter son temps de trajet pour réduire son empreinte carbone, voilà la solution qui s’offre actuellement aux voyageurs qui préféreraient le train à l’avion. À noter que le train reste également une solution beaucoup moins coûteuse en CO2 que la voiture. Dans le cas d’un moteur à essence, le bilan carbone pour rejoindre Nice depuis la capitale s’élève à 320 kg d’éq CO2. Ainsi, même en comptant trois passagers en plus du conducteur, l’empreinte individuelle du trajet aller-retour en voiture reste dix fois supérieure à celle du même parcours en train. 

Évidemment, certaines destinations au départ de la capitale française comme New York ou Tokyo ne peuvent être ralliées rapidement sans un passage obligatoire par l’aéroport. Ces voyages possèdent respectivement une empreinte carbone de 2,66 et 4,1 tonnes de gaz à effet de serre. D’après la Stratégie Nationale Bas-Carbone, qui doit permettre à l’Hexagone de devenir neutre en carbone d’ici à 2050, l’empreinte annuelle des Français (9,9 tonnes de GES7) devra être divisée par cinq et atteindre les 2 tonnes annuelles d’éqCO2. Les États-Unis ou le Japon apparaissent donc dans ce contexte comme des destinations difficilement compatibles avec le budget carbone recherché. Le tourisme bas-carbone reste ainsi une affaire de compromis, et d’évaluation des raisons de voyager. Il appartient à tout un chacun d’en peser le pour et le contre.

En attendant, plusieurs outils émergent pour aider les voyageurs décidés à privilégier le rail. Le site Chronotrains permet par exemple à ses utilisateurs de découvrir les destinations européennes qui se trouvent à maximum cinq heures de trajet. En se localisant à Paris, il est ainsi possible de rejoindre Amsterdam, Francfort, Zurich ou Londres. Depuis la gare de Lyon Part-Dieu, cinq heures de trains sont suffisantes pour aller passer un séjour à Barcelone, à Milan ou à Genève8. Autre solution, celle apportée par le retour en France des trains de nuit. La réouverture de la ligne nocturne Paris-Nice en mai 2021 a amorcé une nouvelle dynamique pour une façon de voyager tombée peu à peu en désuétude depuis le début des années 1980. Quatre lignes nationales et une ligne internationale pour Vienne sont actuellement en service. L’objectif affiché par le gouvernement est d’arriver à une dizaine de parcours au niveau du réseau national d’ici la fin de la décennie, et ouvrir d’autres lignes internationales en collaboration avec l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse9.

Destinations à maximum 5 heures en train depuis la gare de Lyon Part-Dieu
Source : Chronotrains.com

L’hébergement, les achats de biens et la restauration

L’hébergement, les achats de biens touristiques et la restauration constituent à eux trois 20% du bilan carbone du secteur du tourisme en France. Loin derrière la problématique des transports, ces postes d’émission restent cependant des points de focus intéressants pour faire baisser son impact climatique. 

En termes d’hébergement, les dépenses énergétiques des bâtiments constituent une majorité des émissions. Faire le choix d’un hôtel éco-responsable et impliqué sur les sujets d’efficacité et de sobriété énergétique, de tri sélectif et de dépenses en eau, c’est donc à la fois réduire l’empreinte carbone de ses vacances tout en promouvant une démarche durable. Ecolabel.euLa Clef Verte et GreenGlobe sont autant de labels qui attestent de l’engagement et des efforts fournis par les établissements.

En ce qui a trait aux biens touristiques et à la restauration, privilégier les circuits-courts reste le meilleur moyen d’alléger son bilan climatique. Fréquenter des restaurants dont les produits sont locaux, bio et végétaux dans la mesure du possible réduit non seulement les émissions liées au transport des aliments mais également à leur production. La même logique de coût CO2 du transport et de la production peut s’appliquer aux souvenirs, vêtements, et objets en tout genre achetés sur place.

Réduire son empreinte … Et contribuer à la neutralité carbone

À un bilan carbone individuel peut être appliqué la même logique qu’à un bilan d’entreprise lorsqu’il s’agit de réduire ses émissions. À cela près qu’un voyageur doit adopter cette démarche avant de partir en vacances, tandis qu’une structure privée s’engage généralement dans une démarche de décarbonation après avoir émis. Ainsi, un voyageur peut dans un premier temps évaluer son empreinte carbone potentielle en la calculant. Cette étape peut être effectuée grâce au Calculateur Carbone Événement de la fondation Good Planet. Cet outil permet de se rendre compte secteur par secteur (énergie consommée, déplacements, restauration, hébergement, logistique, etc …) de son impact sur la planète. Et de le réduire dans un deuxième temps en adoptant une destination et des comportements qui généreront moins de rejets de GES. Enfin, pour les émissions incompressibles ou inévitables (dans le cadre du voyage choisi bien sûr, voyager n’est pas en soi une activité nécessaire au sens strict du terme), l’option s’offre à tout un chacun de participer à divers projets climatiques. Qu’il s’agisse de la restauration ou de l’augmentation de puits de carbone naturels (PLANTONS pour l’avenir), d’efficacité énergétique (Good Planet) ou de captation de CO2 dans l’atmosphère (Climeworks), les initiatives pour contribuer à la neutralité carbone sont légion.

Sources :

Crédit photo : Pixabay

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