Planification écologique : quels enjeux pour les entreprises ?
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Planification écologique : quels enjeux pour les entreprises ?

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Lundi dernier, le président de la République Emmanuel Macron a dévoilé les grandes lignes de la planification écologique du pays avec un objectif affiché : conduire la France à réduire de 138 millions de tonnes nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 soit une réduction de 55% par rapport à 1990. Pour ce faire, l’Élysée indique engager une série de dizaines de mesures dans tous les secteurs (transports, agriculture, bâtiment, énergie) impactant les territoires, les entreprises et les dirigeants.

Lors du Sommet sur l’ambition climatique au siège de l’ONU à New York, le 20 septembre dernier, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres rappelait que l’action de l’humanité en faveur du climat “n’est pas à la hauteur de l’ampleur du défi“, mais que pour autant, nous avons encore les moyens pour limiter à +1,5°C l’augmentation de la température mondiale. Antonio Guterres assure que c’est aux chef·fes d’État d’engager des politiques nationales ambitieuses et aux dirigeants d’entreprise de transformer leur business modèle. Moins de 5 jours plus tard, Emmanuel Macron présentait dans le cadre de la planification écologique, une écologie “à la française“, qui serait “accessible et juste“.

Planification écologique : ce qu’il faut retenir

Secteur par secteur, voici un retour sur les mesures annoncées par le gouvernement.

Agriculture

Bien qu’il s’agisse du second poste d’émissions derrière les transports, le président de la République n’a que peu évoqué les mesures de décarbonation de ce secteur. Le sujet est politiquement sensible, et le secteur représente un enjeu de souveraineté pour la France. Parmi les annonces à retenir, le plan du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) prévoit en premier lieu de soutenir la réduction d’engrais azotés (-30 % d’ici à 2030) qui représente environ 42% des émissions du secteur.

Pour Ronan Groussier, responsable agriculture du Réseau Action Climat : “On ne peut pas continuer à mettre une cagoule sur ce sujet de l’élevage et ne pas en parler […] Il n’y aura pas de transition bas-carbone de l’agriculture sans un plan de transition de l’élevage…“. En effet, les émissions de méthanes produites par la fermentation entérique des ruminants d’élevage représente 45 % des rejets agricoles.

Selon la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), l’agriculture devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 16 % entre 2022 et 2030. 

Bâtiment

La rénovation thermique des bâtiments fait partie intégrante de la planification écologique et le gouvernement souhaite également cibler de façon massive les passoires thermiques, des types logement dont l’isolation est de très mauvaise qualité et qui conduit à des consommations d’énergie importantes. Pour Emmanuel Macron, cet enjeu “doit être doublé d’une politique de justice et d’accessibilité“. Il considère que l’État devra “accompagner les ménages qui sont les plus modestes et au-delà de ce que nous avons commencé à faire avec MaPrimeRénov’“. L’État entend massifier la rénovation globale avec 200.000 logements dès 2024 soit trois fois plus qu’aujourd’hui. Le Secrétariat général à la planification écologique prévoit également de monter en régime jusqu’à atteindre le rythme de croisière de 900.000 rénovations globales dès 2030.

Énergie

D’emblée, le chef de l’État a souligné notre dépendance aux énergies fossiles dont la facture annuelle s’élève aujourd’hui à 120 milliards d’euros. La France devra donc sortir du charbon d’ici à 2027, soit trois ans avant l’objectif fixé par le Giec, conclue-t-il. Les centrales à charbon restantes seront reconverties pour la biomasse : “Là où l’on mettait du charbon, on va mettre le recyclage de notre agriculture et des forêts. C’est la première mesure très concrète de la planification écologique“, explique le président.

Dans le contexte d’inflation actuel, Emmanuel Macron a également annoncé vouloir reprendre le “contrôle du prix de notre électricité” dès octobre prochain afin qu’il soit “soutenable à la fois pour nos entreprises et pour nos ménages“.

Suite aux annonces du président, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a dessiné devant le Syndicat des énergies renouvelables ce mardi 26 septembre, les grandes lignes de la nouvelle Programmation Plurianuelle de l’Energie (PPE). La ministre projette de doubler la production d’énergie photovoltaïque et de biogaz tout en conservant le rythme actuel d’installation d’éoliennes terrestres tel qu’il était en 2022. Un autre grand rendez-vous concernerait l’éolien en mer. Ainsi, un grand débat national sera lancé en novembre. D’une durée de six mois, il aboutira à une cartographie des zones propices au développement de l’éolien en mer sur les quatre façades maritimes, précise le cabinet de la ministre. Pour les professionnels du secteur : “Un appel d’offres d’une taille inédite sera ensuite lancé afin d’atteindre cet objectif de 18 gigawatts en production d’ici 2035“, a indiqué la ministre.

Dans la continuité du Conseil de planification écologique, Agnès Pannier-Runacher réaffirme la volonté du gouvernement à relancer la filière du nucléaire en créant “l’une des plus grandes autorités de sûreté nucléaire du monde“.

Industrie

S’il y a bien un secteur sur lequel Emmanuel Macron a insisté lors de ces multiples annonces, c’est bien celui de l’industrie. Selon lui, ce travail est un plan de “souveraineté” et de “réindustrialisation“. Il a également expliqué que “l’écologie à la française” s’agissait d’une “écologie qui crée de la valeur économique“, d’une “écologie compétitive” qui favorise l’industrie verte, “basée sur la science et sur les résultats objectifs“.

Pour réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles et lutter contre le changement climatique, Emmanuel Macron sous l’impulsion du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) ambitionne de produire un million de pompes à chaleur d’ici à 2027 triplant ainsi le rythme de production actuel. Selon lui, les pompes à chaleur seraient : “un formidable levier de substitution, beaucoup moins consommateur et émetteur” qu’un mode de chauffage classique. Pour que cette transition devienne réalité, il faudra former en parallèle 30 000 installateurs un peu partout sur le territoire.

En novembre 2022, Emmanuel Macron avait réuni les dirigeants des cinquante sites industriels français les plus émetteurs de dioxyde de carbone, annonçant alors une réduction de 20 millions de tonnes des émissions de CO2 de ces cinquante sites (qui émettaient à l’époque 54 millions de tonnes d’équivalent CO2). Lors de cette annonce, le président de la République a indiqué que des accords seraient signés d’ici début novembre pour réduire ces émissions de 45 % d’ici 2030. Ces initiatives seraient ensuite étendues aux petites et moyennes entreprises (PME).

Le chef de l’État a également lancé deux nouveaux projets industriels. Le premier concerne la réalisation d’un “grand inventaire des ressources minières nécessaires à la transition écologique” ainsi que la recherche de “gisements d’hydrogène naturel” dans les sous-sols français. Ces travaux débuteront dès le 27 septembre en collaboration avec le BRGM, selon les informations fournies par Agnès Pannier-Runacher. Le deuxième projet se concentre sur les “technologies de rupture“, en particulier l’hydrogène et la capture et séquestration du carbone. Concernant la capture, le stockage et l’utilisation du carbone, une consultation stratégique auprès des acteurs industriels est en cours jusqu’au 29 septembre, avec pour objectif de développer “au moins un site en France“, comme l’a annoncé le président de la République.

Transports

En ce qui concerne les transports, trois mesures phares ont été annoncées :

  • une enveloppe de 700 millions d’euros pour les 13 RER métropolitains. 10 mois après avoir promis le lancement de RER métropolitains dans les principales agglomérations françaises. Dans son discours à l’issue d’un Conseil de planification écologique à l’Élysée, le président de la République a annoncé : “Cela permettra de lancer là aussi des projets pour notre industrie ferroviaire et les emplois qui vont avec“. “Dès octobre“, les “contrats de plan État-région” seront signés dans ce cadre, a-t-il ajouté. Mardi matin au micro de France Inter, Clément Beaune, ministre des Transports a précisé que “si le président a parlé de 13 projets“, une fourchette de 10 à 15 “RER métropolitains” est en réalité envisagée. De plus, la liste des métropole qui en bénéficierait n’est pas fixe même si certains projets bien avancés comme à Toulouse, à Lille, à Lyon et à Rennes pourrait en bénéficier. Cette annonce intervient quelques jours avant que la Première ministre, Elisabeth Borne ne s’explique autour d’un nouveau financement de 100 milliards d’euros à l’horizon de 2040 à l’occasion de la remise officielle du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI).
  • 1 million de voitures électriques produites en France d’ici 2027. Le président l’assure, en 2027 les constructeurs auront les capacités industrielles pour produire 1 million de voitures électriques en France. Loin des consignes de sobriété prônés par le gouvernement jusqu’à maintenant, cette production annuelle envisagée correspond à une augmentation de 1000% selon INONEV. Chaque année, environ 90 000 voitures électriques sont produites en France1. À noter que cet objectif s’accompagne d’un autre plus ambitieux encore : concevoir 400 000 bornes de recharges publiques en 2030.
  • un dispositif de leasing à 100 euros pour un véhicule électrique. “Dès le mois de novembre, nous serons en situation (…) de révéler ce dispositif de leasing à 100 euros“pour un véhicule électrique, déclare Emmanuel Macron. Toujours sur France Inter, Clément Beaune a bien insisté sur le fait qu’il s’agisse “de voitures produites en France et en Europe qui seront privilégiées par ce système.”. Le but étant de ne pas favoriser la location de modèles fabriqués à l’étranger notamment en Chine.

Une conférence des parties (COP) dans chaque région de France “dès octobre“.

La planification écologique aura des conséquences directes sur les politiques publiques des territoires. “La maille régionale (…) sera responsabilisée. Nos communes auront un rôle très important à jouer“, a fait valoir le président lundi. Sur le modèle des Conférences des parties, Emmanuel Macron entend “une écologie qui soit territorialisée“. Dès le mois prochain, une Conférence des parties sera organisée “dans chaque région” . Comme le détaille le plan du Secrétariat général à la planification écologique : “L’objectif de chacune des COP sera de définir régionalement les leviers d’actions permettant de s’inscrire dans les objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre“. Par voies de fait, la planification écologique enjoindra donc les dirigeants de TPE/PME locales à se rapprocher d’autres entreprises du territoires et à créer des synergies (clusters, territoires d’industrie) pour mutualiser toutes les ressources. 

Quid de la biodiversité ?

Dès le début de son allocution, le président de la République a remis le sujet de la biodiversité à plus tard : “Une stratégie biodiversité (…) sera présentée en octobre“, a-t-il affirmé.

Et c’est Sarah El Haïry la secrétaire d’État à la biodiversité qui présentera les contours de cette stratégie ainsi que son impact sur les entreprises. Brièvement une mobilisation collective de la part du secteur privé autour des questions de la nature sera attendue, mais pour ce faire, le gouvernement fournira les moyens ainsi que le cadre réglementaire nécessaire. L’objectif sera d’aboutir à une ordonnance de transposition à la directive européenne CSRD d’ici la fin 2023 pour qu’elle soit en vigueur dès l’exercice 2024, pour les entreprises de plus de 500 salariés et en 2025 pour celles qui ont entre 250 et 500 salariés.2

En conclusion

Les enjeux climat et énergie sont en train de transformer notre pays, nos territoires et donc nos entreprises. Cette planification écologique “à la française” représente une feuille de route pour décarboner notre économie. Un certain nombre de secteurs vont devoir créer de l’emploi tandis que d’autres en verront disparaître. Tout l’enjeu maintenant est d’accompagner et d’anticiper ces flux, ces reconversions, ces nouveaux métiers. Pour Laurent Delcayrou, spécialiste de la résilience des territoires au sein du think tank The Shift Project il en va de la responsabilité du dirigeant de bâtir une nouvelle stratégie d’entreprise à l’aulne des contraintes qu’impose le réchauffement climatique (raréfaction des ressources, augmentation de la température, etc.). Lorsqu’on est dirigeant, anticiper les crises climatiques ainsi que les réglementations à venir, c’est une manière de pérenniser son entreprise dans un contexte de grande compétitivité. Ce travail de fond complexe peut également permettre d’identifier des opportunités d’innovation, ce qui à terme pourrait améliorer la compétitivité de l’entreprise. Laurent Delcayrou l’affirme : “Dans le cadre de résilience des territoires, la transition écologique enjoindra les dirigeants à se rapprocher d’autres entreprises du territoire créant ainsi une synergie (cluster, territoires d’industrie) pour mutualiser les ressources.”.

Sources

Retrouvez la brochure détaillée sur la planification écologique : Mieux agir : la planification écologique

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