Ekobesta – Entretien avec une entreprise engagée
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Ekobesta – Entretien avec une entreprise engagée

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Chaque jour, des entreprises françaises s'impliquent activement dans la transition écologique. Des entrepreneurs engagés mènent diverses actions en faveur de la protection de la biodiversité, de la réduction de nos émissions de GES, tout en promouvant un mode de vie plus durable. En tant que média d'information, notre mission est aussi de vous partager ces initiatives vertueuses. Nous partons au Pays basque pour découvrir Ekobesta, le projet de Nadège Gradistanac. Séminaires, team buildings, etc., pas question de prendre l’avion pour aller à l’autre bout du monde : avec Ekobesta, Nadège Gradistanac propose des séjours et événements d’entreprise éco-responsables au cœur des magnifiques paysages du Pays basque.

Bonjour Nadège, quel a été ton parcours jusqu’à la création d’Ekobesta ?

Bonjour Capitaine, à l’origine, je suis ingénieure dans le bâtiment et j’ai travaillé pendant une dizaine d’années comme maître d’œuvre. C’est en 2020, au moment du Covid, que tout a basculé. J’étais en voyage avec ma famille aux Philippines, et nous sommes restés bloqués sur une petite île pendant quarante jours. Chaque jour, on faisait le tour de l’île à pied, et chaque jour, on ramassait des déchets sur la plage. C’était incessant. Même dans un endroit isolé, au bout du monde, on trouvait des déchets partout. Cette expérience a été un vrai déclic : je ne pouvais plus faire comme si je ne voyais rien. Dans mon métier, je construisais des bâtiments neufs, je participais à l’artificialisation des sols, à la destruction de milieux naturels… Bref, j’ai décidé de changer de voie pour être en accord avec mes valeurs. J’ai utilisé le dispositif de reconversion professionnelle mis en place par le gouvernement, qui permet de démissionner tout en bénéficiant du chômage pendant la durée de sa formation. J’ai réfléchi à mes compétences — la gestion de projet, la coordination, la planification, le relationnel, la réponse à un cahier des charges — et à la manière dont je pouvais les mettre au service de l’environnement. En parallèle, je me suis demandé ce que j’aimais vraiment faire. Et là, je me suis souvenue de mes années d’études, quand j’organisais des événements pour financer un projet humanitaire. J’avais adoré ça ! L’événementiel est donc revenu naturellement, mais cette fois avec une dimension éco-responsable. J’ai réalisé une étude de marché sur mon secteur, et personne ne proposait encore ce type de service en 2020. J’ai donc décidé de me lancer et de créer Ekobesta, avec l’idée d’organiser des événements professionnels — séminaires, team buildings, inaugurations — tout en réduisant au maximum leur impact sur l’environnement.
Photo des témoignages

Pourquoi as-tu choisi de te spécialiser dans les événements d’entreprise ?

Mon objectif est de toucher le maximum de personnes à travers mes événements. Et pour moi, les événements qui rassemblent le plus de monde, ce sont ceux organisés par les entreprises — ou parfois les collectivités. Je voyais moins le sens d’aller sur des événements de particuliers, comme les mariages par exemple. Les entreprises, selon moi, ont un vrai rôle à jouer dans la transition écologique. Ce sont elles qui ont les moyens et les leviers d’action pour faire bouger les lignes. En organisant des événements éco-responsables, elles peuvent à la fois réduire leur impact et s’inscrire dans une démarche cohérente avec leur politique RSE ou leur stratégie CSRD, qui prend aujourd’hui de plus en plus d’importance. Ces événements peuvent aussi être un excellent moyen de fédérer les équipes autour de ces valeurs. Souvent, la RSE reste un concept abstrait pour beaucoup de collaborateurs — alors qu’à travers un événement, on peut leur faire vivre concrètement ce que ça signifie. Pour moi, un événement doit avant tout être un moment de plaisir : on apprend, on découvre, mais on s’amuse aussi, et cela crée de la cohésion.
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Comment accompagnes-tu concrètement les entreprises dans l’organisation d’événements éco-responsables ?

La première étape, c’est toujours un rendez-vous avec le client pour comprendre ses besoins. L’événement peut être lié à une démarche RSE déjà en place ou simplement être un projet ponctuel sans lien direct. Mon rôle est d’identifier comment limiter l’impact environnemental de l’événement, quel qu’il soit. Pour cela, je m’entoure exclusivement de partenaires engagés. Par exemple, les traiteurs avec lesquels je travaille privilégient des produits locaux, de saison, et souvent issus de circuits courts. On propose aussi des alternatives végétariennes, même si ce n’est pas toujours retenu — certaines entreprises ne sont pas encore prêtes à franchir le pas, et ce n’est pas très grave. Si on part sur des repas avec de la viande, on fera attention à ce qu’elle provienne d’une ferme locale. L’essentiel, c’est d’avancer à leur rythme, mais toujours dans le bon sens. Côté lieux, je choisis des espaces qui respectent l’environnement : des sites en pleine nature, des établissements alimentés par des énergies renouvelables, ou simplement des lieux qui favorisent la reconnexion avec le vivant. Ensuite, il y a tout un travail sur la gestion des déchets. On met en place des dispositifs de tri clairs et adaptés aux types de déchets générés, y compris pour les biodéchets. Ceux-ci sont ensuite revalorisés en compost grâce à mes partenaires. Même les huiles de friture peuvent être recyclées, par exemple pour produire du biocarburant. Sur les événements extérieurs, on peut aussi installer des toilettes sèches, dont les déchets organiques sont revalorisés — soit en compost, soit en engrais naturel pour les agriculteurs. J’accorde également une attention particulière à la mobilité des participants. On essaie d’optimiser les transports grâce à des partenariats avec des acteurs comme Txik Txak (réseau de transport en commun), ou encore en mettant en place des plateformes de covoiturage pour réduire les trajets individuels. Et bien sûr, malgré toutes ces actions, un événement reste une activité qui a un impact. L’idée n’est pas d’être parfait, mais de réduire au maximum et de compenser ce qui ne peut pas l’être. Lorsque je réalise un devis, il y a toujours deux options : soit un bilan carbone de l’événement réalisé par un bureau d’études spécialisé, soit une estimation des émissions carbone que je fais grâce à un simulateur. Dans les deux cas, je propose ensuite à l’entreprise de faire un don à une association environnementale locale afin de compenser cet impact résiduel. L’éco-responsabilité, ce n’est pas une contrainte : c’est une démarche globale et concrète, faite de plein de petits gestes cohérents, qui ensemble font une vraie différence.
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Est-ce que tu proposes aussi des activités pour sensibiliser les participants à l’environnement ?

Oui, tout à fait ! En plus de la partie organisationnelle, je crée aussi des activités ludiques et participatives pour sensibiliser les équipes, sans que ce soit moralisateur ou trop frontal. Par exemple, j’ai développé plusieurs team buildings autour de la thématique environnementale. L’un d’eux est une murder party éco-conçue — mais ici, personne n’a été assassiné… c’est une espèce qui a disparu ! Les participants doivent enquêter pour découvrir qui est responsable de cette disparition. L’histoire est écrite de manière un peu fantastique, avec une espèce imaginaire, mais inspirée de faits réels. Dans un des derniers jeux que j’ai organisés, je me suis par exemple basée sur la disparition du jaguar d’Amérique du Sud. Chaque participant incarnait un acteur potentiel de cette disparition — un industriel, un agriculteur, un politique, un citoyen, etc. — et devait défendre son rôle. Pendant toute la partie, les participants n’ont aucune idée que le sujet touche à l’environnement. C’est seulement à la fin, au moment du débrief, que je leur révèle que cette espèce existe réellement, que la situation est bien réelle, et quels sont les vrais facteurs de sa disparition. Cela crée un vrai effet de surprise et surtout une prise de conscience douce mais marquante. Les gens apprennent, mais surtout, ils passent un super moment ensemble.
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Photo d’un team-building à vélo dans Bayonne à la découverte des initiatives locales en faveur de l’environnement (BIZIKLETA).

Est-ce que tu ressens, à travers ces événements, un éveil sur les questions environnementales dans les entreprises ?

Oui, clairement. Je trouve qu’il y a aujourd’hui un éveil global sur ces sujets. De plus en plus d’entreprises sont sensibles à l’impact environnemental de leurs événements, même celles qu’on n’aurait pas forcément imaginées au départ. Alors bien sûr, ça part souvent de l’impulsion du dirigeant — c’est lui ou elle qui donne le ton et qui décide d’intégrer ces valeurs dans la culture de l’entreprise. Mais je remarque une vraie évolution des mentalités. Il y a quelques années encore, un séminaire, c’était souvent : on prend l’avion, on part à l’autre bout du monde, et on ne se pose pas trop de questions sur le bilan carbone. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises veulent faire différemment. Elles cherchent à réduire leurs déplacements, à valoriser le local, à donner du sens à leurs événements. Et puis, ici, au Pays basque, on a une sensibilité particulière à tout ça. C’est un territoire entre mer et montagne, avec une nature très présente — on a envie de la préserver.
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Tu précises sur ton site que ton champ d’action se limite au Pays basque. Est-ce que cela signifie que tu n’accompagnes que des entreprises locales, ou aussi celles qui viennent organiser leur séminaire dans la région ?

Je limite mon champ d’action géographique au Pays basque et au sud des Landes, mais ça ne veut pas dire que je travaille uniquement avec des entreprises locales. Je peux tout à fait accompagner des entreprises extérieures qui souhaitent organiser leur séminaire ou leur événement ici, dans la région. En revanche, moi-même, je ne me déplace pas au-delà de ce périmètre. D’une part, si je devais intervenir plus loin, je ne connaîtrais pas les prestataires locaux, et d’autre part, mes déplacements auraient un impact carbone trop important. Ce ne serait pas cohérent avec les valeurs d’Ekobesta. Dès la création de mon activité, je me suis fixée cette limite pour montrer l’exemple. Je n’ai pas de certification particulière, mais je m’applique à moi-même les principes que je recommande à mes clients : réduire les déplacements inutiles et travailler avec des acteurs du territoire. Donc oui, j’accueille avec plaisir des entreprises de toute la France — à condition qu’elles soient prêtes à venir de manière responsable, idéalement en train plutôt qu’en avion.
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Parlons de tes partenaires. Comment les as-tu sélectionnés au démarrage ?

C’était un vrai défi au début, parce qu’il n’existait pas de base de données recensant les acteurs locaux engagés dans des démarches durables. J’ai donc passé énormément de temps à identifier et rencontrer des prestataires partageant les mêmes valeurs qu’Ekobesta. C’est un travail de fond que je continue encore aujourd’hui. Je fais une veille constante : dès que je découvre une initiative intéressante sur les réseaux ou qu’on me parle d’un acteur local engagé, je prends contact, je rencontre la personne et je vois comment on peut collaborer. Le secteur évolue vite — de nouveaux prestataires responsables émergent sans cesse, donc c’est un écosystème en mouvement permanent. Au départ, j’ai aussi pu m’appuyer sur certains réseaux professionnels et associatifs. J’ai notamment fait partie de Placeco, une structure très axée sur la RSE, ce qui m’a permis de rencontrer des entreprises locales déjà sensibilisées. Ensuite, j’ai rejoint l’association Humans by Nature, qui accompagne les porteurs de projets éco-responsables. C’est là que j’ai rencontré plusieurs de mes partenaires actuels — par exemple, celui qui s’occupe de la revalorisation des biodéchets. Aujourd’hui encore, je continue à m’appuyer sur tout cet écosystème associatif et local. Pour certains team buildings, je collabore directement avec des associations spécialisées, comme la Water Family pour les thématiques liées à l’eau. Je ne prétends pas être experte de tout, donc je m’entoure toujours de personnes compétentes et passionnées dans leur domaine.
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Comment formalises-tu auprès des entreprises la prise en compte de tous ces aspects éco-responsables ?

J’ai mis en place une charte éco-responsable que je présente systématiquement aux entreprises dès le début de notre collaboration. Les dirigeants la lisent et la signent, afin que tout soit clair dès le départ sur les engagements réciproques. Elle détaille l’ensemble des démarches mises en œuvre à chaque étape : la conception de l’événement, sa préparation, le jour J, et même l’après-événement, notamment pour la partie compensation carbone. Je mets tout en place pour que les entreprises comprennent concrètement comment leur événement s’inscrit dans une démarche responsable, et qu’elles soient pleinement actrices de cette démarche, pas simplement spectatrices.
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