Calculer son empreinte carbone puis mettre en place des initiatives pour la faire diminuer nécessite pour une entreprise de passer par plusieurs étapes. Premièrement, la structure doit adopter un protocole de calcul. Deuxièmement, elle doit choisir entre réaliser son bilan carbone en interne, via l’un de ses employés, ou en externe en faisant appel à un prestataire. Enfin, elle peut si elle le désire, utiliser des outils méthodologiques pour pousser plus loin sa transition bas carbone.

Choisir son protocole

Réaliser son bilan carbone c’est avant tout choisir le protocole de calcul de ses émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs options existent, dont quatre sont principalement utilisées en France. Ces méthodes diffèrent au niveau du statut, du champ d’application (périmètres de calcul couverts ou scopes) mais également au niveau de la cible choisie (entreprises, collectivités, établissements publics). 

Le bilan GES, simple mais limité

Le BEGES ou bilan GES réglementaire permet de comptabiliser de manière encadrée les émissions de gaz à effet de serre de tout type d’entité. Cette procédure, à réaliser tous les 3 ans1, est obligatoire en France depuis 2011 pour les entreprises de plus de 500 salariés en métropole et plus de 250 en Outre-Mer, les établissements publics de plus de 250 agents, les collectivités de plus de 50 000 habitants et les services de l’Etat2. Cette méthode institutionnelle inclut un calcul détaillé des quantités de CO2 rejetées et comprend également la mise en place d’un plan d’actions développé sur trois ans afin de réduire et de compenser une partie de ces émissions. 

Les + et les – 

Le bilan GES réglementaire possède ainsi une qualité principale : sa simplicité. Ne couvrant que les scopes 1 et 2, sa mise en application ne nécessite pas d’obtenir des informations qui sont extérieures à l’entreprise (fournisseurs, acheteurs, clients, partenaires). Or cette qualité est également son plus grand défaut. En effet, on estime qu’aujourd’hui 70% des émissions de gaz à effet de serre des industriels et 80% des émissions dans le secteur des biens de consommation proviennent de la chaîne d’approvisionnement, donc du scope 33. Ce périmètre couvre un grand nombre de postes d’émission, bien plus conséquent que les scopes 1 et 2. Tirer un trait sur toutes ces sources de GES fausse ainsi le calcul général, et ne rend pas compte de la réalité globale de l’empreinte carbone d’une structure. Bien qu’il soit conforme aux normes gouvernementales françaises, le bilan GES réglementaire est donc une méthode limitée par un champ d’application loin d’être exhaustif.

L’ISO 14064, la base des méthodes internationales

Cette norme internationale créée par l’ISO (International Organization for Standardization, l’Organisation Internationale de normalisation) encadre les principes généraux des méthodes de quantification, de calcul, de vérification et de potentielle suppression des émissions de GES induites par une activité donnée. 

L’ISO 14064 est divisée en trois parties : 

  • ISO 14064-1 : Spécification des principes de conception pour le développement d’un inventaire et d’une méthode de suppression des gaz à effet de serre au niveau des organismes4
  • ISO 14064-2 : Détail, au niveau des projets, des exigences de quantification, de contrôle et de déclaration des réductions d’émissions et de l’accroissement des suppressions de GES5
  • ISO 14064-3 : Indication des directives pour la vérification et la validation des déclarations de gaz à effet de serre6

La version 2018 de cette méthodologie introduit la notion de significativité des émissions, qui inclut les rejets de gaz carbonique liés au fonctionnement global de l’entreprise dans le calcul du bilan carbone. L’ISO 14064 propose également une catégorisation des postes d’émission qui se distingue d’une organisation par scopes7. Six postes sont ainsi distingués : les émissions directes, les émissions indirectes liées à l’énergie importée, les rejets liés au transport, aux produits utilisés, à l’utilisation de ces produits et les GES en rapport avec d’autres sources potentielles. Cette organisation, bien que cohérente et permettant d’inclure à la fois les sources d’émission de CO2 directes et indirectes, reste moins précise qu’une classification par scope.

Les + et les – 

L’intérêt principal de la norme ISO 14064 réside donc dans sa capacité à établir une comptabilité carbone structurée permettant de fixer des standards de calcul au niveau international. Le protocole établit un cadre méthodologique de base auquel peuvent venir s’ajouter des principes issus d’autres méthodes, comme le GHG Protocol ou le Bilan Carbone. Il est donc par définition moins abouti que d’autres méthodes de calcul des émissions de gaz à effet de serre.

Le GHG Protocol, la solution phare à l’étranger

Cette méthode de comptabilisation et de déclaration des émissions de gaz à effet de serre a été développée en 1998 par le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) et le World Resources Institutes (WRI) en partenariat avec des ONG et des entreprises. Le GHG Protocol est actuellement la méthode de calcul des émissions de GES la plus populaire dans le monde. Au moins 90% des 500 plus grandes entreprises américaines l’utilisent pour effectuer leur bilan carbone. Le protocole divise son périmètre opérationnel en trois parties correspondant aux 3 scopes : les émissions directes (scope 1), les émissions indirectes liées à l’énergie (scope 2) et les autres émissions indirectes (scope 3).

Les + et les – 

Le GHG Protocol a largement inspiré l’ISO 14064. Les deux méthodes sont donc assez similaires. Le seul avantage du premier sur le second réside dans sa manière de séparer les postes d’émission, notamment pour les rejets indirects. La méthode créée par le WRI répartit ainsi ces émissions entre différents scopes, là où l’ISO 14064 ne fournit pas de vraie ligne directrice pour les classer.

Le Bilan Carbone, la plus française des méthodes

Le Bilan Carbone a été créé par Jean-Marc Jancovici et mis en place en 2004 par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie). Cette méthode est aujourd’hui diffusée par l’ABC (Association Bilan Carbone). Le Bilan Carbone prend en compte (comme le GHG Protocol et l’ISO 14064) l’ensemble des gaz à effet de serre reconnus par le GIEC et qui résultent, directement ou indirectement, du fonctionnement d’une structure (donc les scopes 1, 2 et 3). Cette méthode s’articule autour de six étapes clés (détaillées dans l’article « Qu’est-ce qu’un Bilan Carbone ») qui traduisent deux objectifs principaux. D’une part la comptabilité de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre provoquées par l’activité de l’entreprise étudiée et d’autre part la mise en place d’un plan bas carbone qui vise à faire baisser et à compenser la quantité totale de COrejetée par cette même entreprise. Le site de l’ADEME estime le nombre de Bilans Carbone réalisés fin 2013 à plus de 8000.

Les + et les – 

Le Bilan Carbone, contrairement au GHG Protocol et à l’ISO 14064, met l’accent sur l’accompagnement des structures dans leur démarche bas carbone une fois que leur bilan a été réalisé. Il permet, à travers plusieurs outils, de mettre en place puis d’appliquer un plan d’actions stratégique chiffré qui contient des solutions de réduction des émissions de GES à court, moyen et long terme. La méthode de l’ABC est aujourd’hui devenue la démarche de comptabilisation de gaz à effet de serre la plus populaire en France. Elle a même généralisé l’expression « bilan carbone », un gage de son succès. Le Bilan Carbone ® réunit donc à la fois les qualités du GHG Protocol et de la norme ISO 14064 tout en développant ses propres particularités. C’est un outil riche et évolutif qui a su s’imposer dans l’Hexagone comme la méthode de référence du calcul et de la gestion de l’empreinte carbone d’une entreprise.

Tableau SWOT des différentes méthodes

Mettre en place son bilan carbone

Les entreprises qui sont dans l’obligation ou qui désirent réaliser leur bilan carbone ont deux solutions : elles peuvent soit externaliser soit internaliser la démarche.

Se former en interne

Le bilan carbone peut être réalisé par un employé de l’entreprise qui aura préalablement été formé à la méthodologie Bilan Carbone développée par l’ADEME. La séquence d’apprentissage est ainsi divisée en deux modules : Le module Initiation, réparti en une quinzaine d’heures de cours en eLearning et une journée d’échange en présentiel ou en classe virtuelle, a pour objectifs d’initier les apprenants aux principaux enjeux de la lutte contre le changement climatique, de savoir faire le lien entre ces enjeux et la méthode Bilan Carbone et de découvrir et comprendre cette même méthode ainsi que les outils qu’elle propose. Le but pour le salarié de l’entreprise étant de pouvoir ensuite mener le bilan carbone de sa propre structure. À l’issue de ce premier temps de formation le stagiaire reçoit l’ensemble des supports pédagogiques ainsi qu’une licence d’utilisation. Le tarif de ce premier module est de 1150 € HT8. La certification et le référencement en tant que prestataire Bilan Carbone, qui donne la possibilité à un professionnel de réaliser le calcul des émissions GES d’un tiers, s’obtiennent eux après la validation du module Maîtrise. Ce dernier est réalisable à distance ou en présentiel et représente une vingtaine d’heures de formation. Il présente en détail les étapes de réalisation d’un Bilan Carbone ainsi que la démarche de réduction bas carbone. Le tarif de ce second module est de 1250 € HT.

Un coût financier moindre, une implication totale

La réalisation d’un bilan carbone en interne présente plusieurs avantages. C’est premièrement la solution d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre la moins coûteuse, bien qu’elle demande tout de même quelques efforts financiers. En effet, l’entreprise devra payer la formation de son employé et laisser ce dernier se consacrer à plein temps à la réalisation du Bilan Carbone (qui dure en moyenne entre 8 et 20 jours selon la taille de la structure). Le fait de faire réaliser le bilan par un membre de l’équipe de l’entreprise signifie par contre que ce dernier aura déjà des connaissance sur la structure à analyser. Il aura donc moins de difficultés à récolter les informations relatives à certains postes d’émission (ceux qui concernent directement l’activité de l’entreprise). Cependant, cette démarche peut aussi s’avérer assez complexe. En effet, si la personne en charge de cette mission possède en théorie toutes les connaissances nécessaires à l’établissement d’une comptabilité carbone efficace, elle n’a en revanche en pratique aucune expérience du processus en lui-même. Ainsi lui confier cette tâche fait peser sur elle une lourde responsabilité. C’est pour ces raisons que la majorité des entreprises décide de faire appel à un prestataire externe pour réaliser leur bilan carbone.

Le prestataire externe, un choix parfois onéreux mais efficace

Faire intervenir un prestataire externe pour réaliser le bilan carbone d’une entité peut se faire de plusieurs manières. L’intervenant en question peut être un cabinet spécialisé ou un logiciel en ligne. Dans les deux cas le prestataire doit avoir une certification Méthode Bilan Carbone de l’ADEME pour mettre en place une démarche habilitée. L’annuaire des prestataires reconnus est disponible sur le site de l’ABC (Association Bilan Carbone). 

Les cabinets spécialisés dans la réalisation de bilans carbone entreprise, même s’ils constituent le choix le plus onéreux (entre 5000 et 30 000 €), garantissent un suivi complet sur l’ensemble des étapes du bilan carbone, de la sensibilisation des acteurs principaux de l’entreprise aux enjeux du changement climatique jusqu’à l’application du plan de décarbonation. Le prix du service, souvent calculé au taux horaire, dépend en grande partie de la structure, de l’organisation et de l’activité de l’entreprise ciblée. Les logiciels en ligne sont la solution la plus récente sur le marché du bilan carbone. Grâce à un ensemble d’interfaces, l’entreprise peut directement insérer ses données dans des tableurs qui calculeront pour elle son empreinte carbone et l’aideront à mettre en place un plan d’actions pour réduire cette dernière. Le procédé, s’il est en moyenne 5 fois plus abordable que de faire appel à un cabinet spécialisé, demande en revanche plus d’investissement de la part des  employés en charge du bilan carbone. En effet, une phase d’implémentation des données de base de l’entreprise doit impérativement être mise en place. Et cette étape peut rapidement devenir chronophage.

Deux solutions mais les même défis

Quelle que soit la solution retenue par l’entreprise pour réaliser son bilan carbone, certains processus restent les mêmes. Ainsi la direction devra nommer un chef de projet qui sera en charge du bon déroulement du calcul du bilan GES et qui coordonnera ses efforts avec le prestataire choisi (si le démarche est externalisée). La récolte des données nécessaires au calcul final devra également dans tous les cas être réalisée par les membres de l’entreprise. Une stratégie de communication afin de sensibiliser les employés et les collaborateurs de l’entité (fournisseurs, partenaires, clients) à la démarche du bilan carbone est également conseillée. Elle permettra d’impliquer l’ensemble des acteurs de l’entreprise et facilitera la récolte des informations.Il est également important de rappeler que les PME et les TPE de moins de 100 salariés peuvent bénéficier d’une aide financière de l’ADEME à hauteur de 5000 € maximum pour réaliser leur bilan carbone9. Cette subvention ne doit simplement pas dépasser 80% des investissements totaux de l’entreprise. D’autres prestations, qui concernent toutes les petites et moyennes entreprises, peuvent être versées pour soutenir des démarches écologiques diverses. Pour plus d’informations, cliquez sur le lien suivant : agir pour la transition

S’assurer que le plan d’action est efficace

La démarche Bilan Carbone possède déjà en soi une étape qui permet aux mesures prises dans le cadre d’un plan de décarbonation d’être appliquées. Cependant d‘autres outils méthodologiques, dont certains sont très récents, permettent d’aller plus loin et de s’assurer de l’efficacité sur le long terme de la stratégie bas carbone adoptée par une entreprise.

Le CDP, la première étape de l’après Bilan Carbone

Le Carbon Disclosure Project est l’association de référence sur l’impact environnemental des entreprises, également à l’origine des autres cadres structurants SBT et ACT. Le but du CDP est de renseigner une entreprise sur son niveau de maturité par rapport aux enjeux climatiques10. Pour ce faire, la structure envoie des données qualitatives et quantitatives au CDP qui les traduit ensuite en niveau de positionnement et de maturité carbone. Ce résultat peut alors être communiqué au grand public. La démarche permet également à l’entité de se comparer au reste du marché et de promouvoir son action climatique via la réputation et la transparence. Cet outil, qui avoisine les 1000 €, constitue la première grande étape d’une action bas carbone.

Les SBTs, aligner ses objectifs avec l’Accord de Paris

Les Science Based Targets visent à évaluer la compatibilité de la stratégie bas carbone d’une entreprise avec les objectifs de la COP 21. Une trajectoire chiffrée de décarbonation de la structure est donc engagée, et s’aligne sur la cible des + 1,5°C du traité international de 201511. Une cible qui a notamment permis d’établir un budget carbone dicté par le GIEC. L’objectif est donc de caler les ambitions bas carbone de l’entreprise sur ce même budget (qui sera distribué dans le temps) fixé par les instances de lutte contre le réchauffement climatique. La procédure SBT est un cadre de référence incontournable et reconnu.

L’ACT, pour aller jusqu’au bout de sa démarche bas carbone

L’ACT (Assessing low Carbon Transition) est un tout nouvel outil développé par l’ADEME et le CDP, qui a pour ambition de devenir un standard international12. Son principe est de s’assurer que les compagnies qui ont des objectifs carbone les atteignent en suivant leurs actions sur le long terme13. La méthodologie d’ACT est très complète et par conséquent complexe à établir. Un an est nécessaire à sa mise en place et deux ans doivent être consacrés à l’application et au suivi des actions prescrites. L’ADEME accompagne cependant les PME et les TPE à hauteur de 25 000 € pour une démarche ACT pas à pas et 4000 € pour une Evaluation ACT.

Des gestes pratiques au delà des outils théoriques

Ces solutions visent en soi toutes le même objectif, à savoir décarboner une structure, via des démarches de contribution carbone. Elles supposent un engagement très important de la part des entreprises qui les mettent en place, autant d’un point de vue financier que temporel. Or d’autres initiatives, que l’on pourrait qualifier de gestes de bon sens, peuvent elles aussi se révéler très efficaces pour lutter contre le réchauffement d’origine anthropique de la planète. Ces actions, dont certaines sont communes aux secteurs agricole, industriel et tertiaire, et d’autres spécifiques à ces domaines d’activité, sont à retrouver dans le guide des bonnes pratiques du capitaine.

Sources :