Une gestion vertueuse des forêts pour capter efficacement le CO2
Compensation des émissions

Une gestion vertueuse des forêts pour capter efficacement le CO2

4 min. de lecture

Capitaine Carbone a rencontré Charles-Étienne Dupont, gestionnaire forestier professionnel agréé pour des clients privés. Il a pour mission de pérenniser et de prendre soin des forêts. Un travail indispensable pour que nos zones forestières soient réellement capables de capter et séquestrer le CO2.

Basé en Auvergne, Charles-Etienne Dupont est un vrai protecteur de nos forêts et n’hésite pas à partager sa vision et ses conseils pour une vraie gestion durable de ces espaces forestiers.

L’une de ses préoccupations majeures est tout d’abord de respecter le climax, un état théorique dans lequel un sol ou une communauté végétale a atteint un état d’équilibre stable et durable avec les facteurs édaphiques et climatiques du milieu : l’équilibre parfait en quelque sorte. Il est aussi adepte de la contemplation dynamique et de l’observation attentive de son milieu. Enfin, Charles-Étienne intervient sur environ 1000 hectares de clients récurrents en suivant une stratégie basée sur la sylviculture à couvert continu, un procédé qui évite le stade de coupes rases. Cette technique respecte en revanche la régénération naturelle et la biodiversité tout en satisfaisant les besoins de l’Homme en matière de bois. “Lorsque l’on gère une forêt par coupe rase, ou « futaie régulière » on plante, on fait des éclaircies, on fait pousser… et une fois l’âge de récoltabilité atteint, on coupe tous les arbres et on recommence le cycle en repartant de zéro. Cela passe pour de la gestion durable du fait de la longueur des rotations, mais cela revient ni plus ni moins à faire de l’agriculture conventionnelle et à entretenir des « champs de bois » et non des forêts, explique Charles-Etienne Dupont, À l’inverse, si on « injecte de la naturalité », on tend vers la futaie irrégulière qui elle, tient compte de la différence d’âge des arbres, de leur diamètre, de leur hauteur et de leur essence.” Permettre aux forêts de se régénérer est indispensable pour que les générations futures puissent bénéficier de leurs facultés à capter et stoker le carbone émis dans l’air. « Mon horizon, c’est le siècle », insiste Charles-Étienne.

Image d'un arbre pour illustrer propos
Image de RoonZ nl sur Unsplash

Charles-Étienne et ses associés – Pierre Gérard et Catherine Redelsperger – ont déjà sensibilisé de grands comptes du CAC40 et des grosses PME françaises au sylvomimétisme, une méthode centrée sur les arbres et la forêt pour trouver des solutions inédites et impactantes en entreprise. “Nous sommes en pleine transition depuis les chocs pétroliers des années 70 entre un ancien monde qui s’achève et un nouveau qui s’ouvre devant nous”, précise-t-il, “il faut désormais valoriser cette approche écosystémique et multifonctionnelle, car la forêt répond, ne l’oublions pas, à la production de bois, à la valorisation du paysage et à tout un ensemble de réactions en chaîne vertueuses”.

Favoriser les forêts anciennes plus efficaces pour capter le CO2

Sachez qu’une forêt ancienne – pas vieillissante, mais ancienne – a une capacité de séquestration de carbone dans le sol bien supérieure à une forêt neuve. Les jeunes pousses stockeront, certes, beaucoup de CO2 durant leurs toutes premières années grâce à la photosynthèse, mais n’auront jamais autant de portée que leurs parents qui, grâce à la nécromasse (bois qui pourrit au sol), nourrissent tout un écosystème complexe, flore et faune comprises. En mixant les expressions, on pourrait dire que l’arbre n’est finalement que le haut de l’iceberg, dont les racines, rappelons-le, occupent le même diamètre que sa surface hors sol. En favorisant le maintien de forêts anciennes, par le biais d’une stratégie à long terme ou en facilitant la transition de forêts plus récentes vers des fonctionnalités anciennes, on maximise significativement et de façon pérenne la captation du carbone.

L’heure est donc à sanctuariser certaines forêts et à en convertir d’autres. “Pour être pragmatique sur la structure des forêts privées d’aujourd’hui, il est temps de penser aussi à réduire le morcellement, souligne Charles-Étienne. “Il faut mutualiser chaque micro-parcelle et les réunir au sein d’un ensemble plus grand, dont la gestion peut être confiée à un groupement forestier. Lorsque l’on réunit trente personnes qui possèdent chacune un hectare, cela change la donne au point de leur permettre d’accéder à une économie d’échelle susceptible d’intéresser les acheteurs de bois. Au lieu de couper entièrement un hectare, faute de rentabilité, on ne coupe alors que 5 ou 10% de trente hectares pour éclaircir, par exemple, et les acheteurs seront preneurs.”

Image d'une forêt vue du dessus
Image de Geranimo sur Unsplash

La compensation carbone volontaire dépend de notre capacité à nous coordonner

Pour Charles-Étienne, il manque cruellement un lien entre ceux qui ont la volonté de compenser, qui portent des projets, mais ont malheureusement du mal à boucler les fins de mois et les acteurs-clés du réchauffement climatique qui eux drainent de l’argent ou encore certains propriétaires forestiers qui ne se retrouvent pas dans leur équilibre budgétaire. Comment les mettre en relation pour combler ce vide, créer des synergies et donner un sérieux élan à toutes ces bonnes volontés ? “La réussite d’une telle coordination implique avant tout de convaincre des financiers pour aller chercher des fonds auprès de grands comptes et des institutions (collectivités publiques / ministères). Nous devons aussi référencer tous les acteurs capables d’apporter de l’eau au moulin, de l’opérateur au courtier, en passant par le consultant ou l’auditeur, jusqu’au petit planteur perdu dans sa campagne et qui aime son travail. Cela sous-entend aussi de traiter de l’image satellite et de l’analyser à l’aide de l’intelligence artificielle afin d’identifier les zones à reboiser avant de contacter tous les propriétaires terriens de ces parcelles. Le succès de la Compensation Carbone Volontaire (CCV) ne passera que par la mise en réseau des projets et des moyens, des plus humbles mais engagés, aux plus audacieux et significatifs.

La quête de Charles-Étienne est de financer une bonne gestion des forêts avec l’approche complexe et à long terme de la sylviculture à couvert continu, notamment grâce à des leviers comme la compensation carbone volontaire.

Vous aimerez aussi

COP28 : Toujours pas de réglementations pour les crédits carbone

COP28 : Toujours pas de réglementations pour les crédits carbone

Une semaine après la fin de la 28ème Conférence des Parties sur le climat à Dubaï aux Emirats-Arabe-Unis, Capitaine Carbone revient sur l’un des plus gros échec de cette COP pourtant passé inaperçu : la régulation des crédits carbone. Censé être une pièce maîtresse des efforts mondiaux dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’article [...]
Incendies : comment les projets de compensation carbone résistent aux flammes ?

Incendies : comment les projets de compensation carbone résistent aux flammes ?

Alors que des incendies font rage un peu partout en Europe et dans le monde, Capitaine Carbone est allé enquêter sur ces crédits carbone partis en fumée. Une situation qui met à mal les ambitions des entreprises pour contribuer à la neutralité carbone. Et si planter des arbres, n’était pas une si bonne idée ? [...]
Ces TPE et PME françaises qui contribuent à la neutralité carbone

Ces TPE et PME françaises qui contribuent à la neutralité carbone

L’engagement des entreprises françaises est primordial pour atteindre la neutralité carbone mondiale en 2050. À l’instar des pouvoirs publics et des consommateurs, les entreprises sont en première ligne pour lutter contre le réchauffement climatique. C’est dans cette dynamique que de nombreuses TPE et PME décident de mettre en place une politique de réduction voire de [...]